Chez les sédentaires

Le hameau (Gure) organise l’unité spatiale de chaque ferme. Un hameau regroupe un ensemble de fermes toutes identiques sauf par la taille. Il regroupe en général quinze fermes alignées les unes après les autres, soit agencés en groupes informels. Longtemps les hameaux ont été placés sous la protection de guerriers pour éviter les razzias sur le bétail.

• La ferme ou Wuro : disposée en sphères masculines et féminines. Un grenier (lummuure) se trouve en zone féminine ( près de l’arbre à Karité porte-bonheur pour les Peuls du Bénin ), d’une cour intérieure situé à l’est de cet arbre où le troupeau passe la nuit, ainsi qu’une case d’accueil de l’aîné de la ferme ( dottijo ). C’est la zone masculine où les hommes peuvent se réunir et discuter, là aussi que séjourne tout visiteur et tous les étrangers appelés haabe ou jananbe. Les fermes ont essentiellement un rôle de gestion des troupeaux.

• La maison ronde appelée Suudu, ( pl. Cuudi ) disposant d’une cuisine ( bawra ) à plan circulaire et dans la plupart des cas en paille tressée, est disposée au nord et au sud à partir de la case d’accueil, en formant un demi-cercle qui se ferme près de l’arbre à Karité. Alors que les hommes contrôlent toutes les activités, élevage et agriculture, les habitations restent le domaine des femmes. Comme celui de la ferme, le plan intérieur de la construction est très régulier et sexué. Cependant elle ne se réfère pas à des points cardinaux mais à un axe gauche-droite et avant-arrière. Le point pivot en est la petite porte d’entrée ( dammugal ). Le lit de bambou et de tiges de mil ( dow leeso ), sur lequel dort le couple, se trouve toujours à gauche de l’entrée. On dort la tête orientée vers le milieu de la pièce, où se trouve l’emplacement du feu ( hubbinirde ), de sorte que l’entrée se trouve toujours à gauche. Immédiatement à gauche de l’entrée et devant le lit dont il est séparé par une natte de paille, un petit espace ( ga kosonni ) sert à déposer les outils agricoles et des ustensiles ménagers. Plusieurs calebasses ( ciurga ) où la femme conserve le lait ( kosam ) sont posées sur une étagère ( hoore danki ) au mur du fond de la case. Juste à droite de l’entrée une jatte en terre ( faande boyri ) sert à stocker la bouillie de mil préparé à l’avance pour plusieurs jours. Le lait doit toujours se trouver sur l’étagère du fond. Il est ainsi soustrait à la convoitise des hommes. La bouillie par contre doit rester près de l’entrée. La présence de calebasses de lait et de la jarre de bouillie indique infailliblement que la case est celle d’une femme.

Les habitations rondes peuvent être de différentes tailles, avec un toit fait de nattes recouvertes de seccos, de couleurs naturelles et noire. Il existe une hutte de forme concave à l’armature plus complexe dont le toit est fait de larges nattes de couleur naturelle. La spatialisation ( le positionnement ) s’organise ainsi – Case du Nord Suudu Yeesaaru -Grande case Suudu maundu – Petite case Suudu Famardu.

En résumé, l’espace de la ferme, y compris l’intérieur des habitations, est structuré socialement selon des critères géométriques rigoureux. Le principe ordonnateur en est la distinction entre hommes et femmes projetée selon un axe est-ouest ou gauche-droite.

Chez les nomades

Les groupes nomades vivent sous des huttes rondes de branchages recouverts de couvertures en laine, jamais sous une tente. Parfois il n’y a même pas de constructions, seulement une rangée de branchage rapidement liés, et plantés dans le sable du désert pour constituer une haie de fortune. Néanmoins cette haie sera elle-même spatialisée pour tous les actes de la vie quotidienne, tout comme la vie, la naissance, et la mort. Le mobilier est seulement constitué d’une natte et d’un reposoir pour la tête. Pour la femme, une batterie de cuisine, marmites, théière et calebasses ; Certains nomades du Niger, du Tchad et du Soudan disposent de huttes transportables, constituées de deux arceaux souples, qu’ils croisent et recouvrent de couvertures, le tout monté sur un dromadaire à l’image de leurs voisins arabes transhumants.

En résumé, l’habitat Peul toute économie confondue, se caractérise ainsi : importance spirituelle de l’établissement ou campement ; importance du feu ( le premier geste de l’installation ), de la hauteur ( colline ; montagne ) ; la spatialisation intérieure et extérieure ; l’organisation de la parenté ( indépendance des aînés qui ont rapidement leur propre habitation ) ; esthétisme et fonctionnalité ( décorations vives ; huttes transportables).

L’habitat comme bien des choses dans le corpus peul ne relève pas d’un archétype mais d’une succession d’états passagers avec retour au modèle initial ( sédentarité pour les nomades ; nomadisme pour les sédentaires ) – Les Peuls ont aussi connu au cours de leur histoire d’autres types d’habitats, notamment l’habitat mauresque avec sa poétique du jardin, des moucharabiehs, des lourdes portes sculptées – ( que l’on retrouve dans les riches demeures à étages et terrasses, faites en argiles avec moucharabiehs sculptés dans la masse, parfois avec herses de défenses, hauts murs d’enceintes appelés tata ( forteresses ), créneaux, dédales ombragés et cour intérieure à l’image de ce que l’on trouve au Maroc, chez les Peuls de Tombouctou, du Mali et du Sénégal ) – de l’ombre, des palmeraies et des fontaines, ainsi que des villes de type mégalopoles, faites d’argile, avec cuisine, dépendances, terrasses, greniers attenants, rues étroites et rectilignes, rigoles d’évacuations, bassins d’ornementations et de rituels ( villes mythiques d’Iléri et Yoyo).

La terre leydi est généralement considérée comme le bien de l’agriculteur, même si les Peuls peuvent y résider, y cultiver et y faire paître leur bétail